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que mes présens ne pouvaient s’étendre à tous. Cependant, ni l’impatience de partager ces brillantes bagatelles, ni la curiosité de me considérer de plus près, ne purent les porter à quitter la place que je leur avais assignée.

» Il serait naturel à ceux qui ont lu les fables de Gay, s’ils se forment une idée d’un Indien presque nu, qui, paré des colifichets d’Europe, revient trouver ses compagnons dans les bois, de se rappeler le singe qui avait vu le monde. Cependant, avant de mépriser leur penchant pour des morceaux de verre, des colliers de verroterie, des rubans et d’autres bagatelles dont nous ne faisons aucun cas, nous devrions considérer que les ornemens des sauvages sont au fond les mêmes que ceux des nations civilisées ; et qu’aux yeux de ceux qui vivent presque dans l’état de nature, la différence du verre au diamant est pour ainsi dire nulle ; d’où il suit que la valeur que nous attachons au diamant est plus arbitraire que celle que les sauvages mettent au verre.

» Les Indiens que je venais de décorer n’étaient pas entièrement étrangers à ces bagatelles brillantes. En les considérant avec un peu plus d’attention, j’aperçus parmi eux une femme qui avait des bracelets de cuivre ou d’or pâle, et quelques grains de verre bleu, attachés sur deux longues tresses de cheveux qui lui pendaient sur les épaules ; elle avait une taille énorme, et son visage était peint d’une manière plus effroyable encore que le reste du