Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 23.djvu/194

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» Le jongleur étendit d’abord l’enfant sur le dos, dans une des cabanes, et s’étant mis à genoux entre ses jambes, il se courbait sur lui, et avec la tête et les deux mains il lui pressait le ventre de toute sa force, criant continuellement sans qu’on pût distinguer rien d’articulé dans ses cris. De temps en temps il se levait, et paraissait tenir le mal dans ses mains jointes ; il les ouvrait tout d’un coup en l’air en soufflant comme s’il eût voulu chasser quelque mauvais esprit. Pendant cette cérémonie, une vieille femme en pleurs hurlait dans l’oreille du malade à le rendre sourd. Ce malheureux cependant paraissait souffrir autant du remède que de son mal. Le jongleur lui donna quelque trêve pour aller prendre sa parure de cérémonie ; ensuite, les cheveux poudrés et la tête ornée de deux ailes blanches assez semblables au bonnet de Mercure, il recommença ses fonctions avec plus de confiance et aussi peu de succès. L’enfant alors paraissant plus mal, notre aumônier lui administra furtivement le baptême.

» Les officiers étaient revenus à bord, et m’avaient raconté ce qui se passait à terre. Je m’y transportai aussitôt avec notre chirurgien major, qui fit apporter un peu de lait et de la tisane émolliente. Lorsque nous arrivâmes, le malade était hors de la cabane ; le jongleur auquel il s’en était joint un autre paré des mêmes ornemens, avait recommencé son opération sur le ventre, les cuisses et le dos de