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conduit à ces îles sacrées ! Il en coûte la vie à presque tous ceux qui y abordent. Au reste, ces îles gisent à différentes distances de Taïti. Le plus grand éloignement dont Aotourou m’ait parlé est à quinze jours de marche. C’est sans doute à peu près à cette distance qu’il supposait être notre patrie, lorsqu’il s’est déterminé à nous suivie.

» J’ai dit plus haut que les habitans de Taïti nous avaient paru vivre dans un bonheur digne d’envie. Nous les avions crus presque égaux entre eux, ou du moins jouissant d’une liberté qui n’était soumise qu’aux lois établies pour le bonheur de tous. Je me trompais ; la distinction des rangs est fort marquée à Taïti, et la disproportion cruelle. Les rois et les grands ont droit de vie et de mort sur leurs esclaves et valets ; je serais même tenté de croire qu’ils ont aussi ce droit barbare sur les gens du peuple, qu’ils nomment tata-einou, hommes vils ; toujours est-il sûr que c’est dans cette classe infortunée qu’on prend les victimes pour les sacrifices humains. La viande et le poisson sont réservés à la table des grands ; le peuple ne vit que de légumes et de fruits. Jusqu’à la manière de s’éclairer dans la nuit différencie les états, et l’espèce de bois qui brûle pour les gens considérables n’est pas la même que celle dont il est permis au peuple de se servir. Les rois seuls peuvent planter devant leurs maisons l’arbre que nous nommons le saule pleureur, ou l’arbre du grand seigneur. On sait qu’en courbant