Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 23.djvu/262

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saient. Ils étaient nus, à l’exception des parties naturelles, et nous montraient des cocos et des racines. Notre Taïtien se tenait nu comme eux, et leur parla sa langue ; mais ils ne le comprirent pas. Ce n’est plus ici la même nation. Lassés de voir que, malgré l’envie qu’ils témoignaient de diverses bagatelles qu’on leur montrait, ils n’osaient approcher, je fis mettre à la mer le petit canot. Aussitôt qu’ils l’aperçurent, ils forcèrent de nage pour s’enfuir, et je ne voulus pas qu’on les poursuivît. Peu après on vit venir plusieurs autres pirogues, quelques-unes à la voile. Elles témoignèrent moins de méfiance que la première, et s’approchèrent assez pour rendre les échanges praticables ; mais aucun insulaire ne voulut monter à bord. Nous eûmes d’eux des ignames, des cocos, une poule d’eau d’un superbe plumage, et quelques morceaux d’une fort belle écaille. L’un d’eux avait un coq qu’il ne voulut jamais troquer. Ils échangèrent aussi des étoffes du même tissu, mais beaucoup moins belles que celles de Taïti, et teintes de vilaines couleurs rouges, brunes et noires ; des hameçons mal faits, avec des arêtes de poissons ; quelques nattes, et des lances longues de six pieds, d’un bois durci au feu. Ils ne voulurent point de fer ; ils préféraient de petits morceaux d’étoffe rouge aux clous, aux couteaux, et aux pendans d’oreilles qui avaient eu un succès si décidé à Taïti. Je ne crois pas ces hommes aussi doux que les Taïtiens : leur physionomie était plus sauvage ;