Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 23.djvu/308

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on les vit revenir avec de grandes acclamations de joie. On pensa qu’ils ramenaient les déserteurs ; mais l’étonnement fut au comble quand, au lieu des trois matelots, ils montrèrent trois cochons qu’ils avaient liés et garrottés. Le chef de ces insulaires les montrait à Surville en lui passant la main sur les épaules avec un air de satisfaction inexprimable ; mais il en fut repoussé d’un air si courroucé, que ces bonnes gens s’alarmèrent avec raison, et se hâtèrent de descendre dans leurs pirogues. D’autres pirogues revinrent aussi chargées de provisions que l’on prit en les payant. Un insulaire avait amené un cochon que sans doute il destinait à la rançon d’un de ses camarades, car il aima mieux le remporter que de vendre à quelque prix que ce fût une chose qu’il avait destinée à une fin si louable.

Surville, après avoir inutilement attendu les trois matelots pendant vingt-quatre heures prit le parti d’appareiller. De ses six prisonniers il n’en garda que trois pour remplacer les hommes qui lui manquaient. Ces derniers témoignèrent de vifs regrets en voyant partir leurs compatriotes, et fuir de leurs yeux les hautes montagnes de leur île. Mais la violence inexcusable dont ils étaient les victimes n’altéra pas la bonté de leur caractère ; ils se conduisirent pendant toute la traversée de manière à se concilier l’affection de tout l’équipage. Deux moururent du scorbut ; le troisième resta au service d’un officier.