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que les sauvages m’entendaient parfaitement. Je reconnus bientôt que la langue de l’île où nous étions était absolument la même que celle de l’île de Taïti, qui en est éloignée de plus de six cents lieues.

» À l’approche de la nuit les pirogues se retirèrent, et laissèrent à bord une dizaine de sauvages qui passèrent la nuit avec nous comme si nous étions leurs camarades depuis long-temps. Le lendemain, le temps étant très-beau, ces pirogues vinrent en plus grand nombre, amenant des femmes et des enfans. Les hommes étaient sans armes. En arrivant au vaisseau ils commençaient par crier taro ; c’est le nom qu’ils donnent au biscuit de mer. On leur en donnait, mais avec une certaine économie, car ils étaient grands mangeurs et en si grand nombre, qu’ils auraient eu bientôt consommé tous les vivres des deux vaisseaux. Ils apportaient du poisson en grande quantité. On le leur troquait pour des verroteries et des morceaux de fer. Dans les premiers jours, ils se contentaient de vieux clous de deux à trois pouces ; par la suite ils devinrent plus difficiles, et en demandaient de quatre à cinq pouces. Leur objet, en demandant des clous, était d’en faire de petits ciseaux pour travailler le bois. Dès qu’ils avaient obtenu un petit morceau de fer, ils allaient aussitôt le porter à quelque matelot pour le prier par signes de l’aiguiser sur la meule ; et ils payaient ce léger service par le don de quelques poissons.