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des boucles, et je donnai à chacun des autres un sac de toile dans lequel je mis quelques aiguilles tout enfilées, des morceaux de drap, un couteau, une paire de ciseaux, du fil, de la verroterie, un peigne, un miroir, et quelques pièces de notre monnaie, qu’on avait percées par le milieu, afin de pouvoir les suspendre au cou avec un ruban.

» Nous leur offrîmes des feuilles de tabac roulées ; ils en fumèrent un peu, mais ne parurent pas y prendre plaisir.

» Je leur montrai les canons ; ils ne témoignèrent avoir aucune connaissance de leur usage. Lorsqu’ils eurent parcouru tout le vaisseau, je fis mettre sous les armes les soldats de marine et leur fis exécuter une partie de l’exercice. À la première décharge de la mousqueterie, nos Indiens furent frappés d’étonnement et de terreur ; le vieillard en particulier se jeta à la renverse sur le tillac, et, montrant les fusils, se frappa le sein avec sa main, et resta ensuite quelque temps sans mouvement, les yeux fermés ; nous jugeâmes qu’il voulait nous faire entendre qu’il connaissait les armes à feu et leurs terribles effets. Les autres, voyant que nos gens étaient de bonne humeur, et n’ayant reçu aucun mal, reprirent bientôt leur gaieté, et entendirent sans beaucoup d’émotion la seconde et la troisième décharge ; mais le vieillard resta prosterné sur le tillac pendant quelque temps, et ne reprit ses esprits qu’après que la mousqueterie eut cessé.