Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 23.djvu/98

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» Vers le midi, la marée reversant, je leur fis connaître par signes que le vaisseau allait s’éloigner, et qu’ils devaient aller à terre ; je m’arperçus bientôt qu’ils n’avaient pas envie de s’en aller ; cependant on les fit entrer sans beaucoup de peine dans la chaloupe, à l’exception du vieillard et d’un autre qui voulurent rester : ces deux-ci s’arrêtèrent à l’endroit où l’on descend du vaisseau ; le plus vieux se retourna et alla à l’escalier qui conduit à la chambre du capitaine : il resta là quelque temps sans dire un mot ; puis il prononça un discours que nous primes pour une prière ; car plusieurs fois il éleva les mains et les yeux vers le ciel, et parla avec des accens, un air et des gestes fort différens de ce que nous avions observé dans leur conversation. Il paraissait plutôt chanter que prononcer ce qu’il disait ; de sorte qu’il nous fut impossible de distinguer un mot d’un autre. Je lui fis entendre qu’il était à propos qu’il descendît dans la chaloupe : alors il me montra le soleil ; puis, faisant voir sa main en la tournant vers l’ouest, il s’arrêta, me regarda en face, se mit à rire, et me montra ensuite le rivage. Il nous fut aisé de comprendre par ces signes qu’il désirait de rester à bord jusqu’au coucher du soleil, et je n’eus pas peu de peine à lui persuader que nous ne pouvions pas rester si long-temps sur cette partie de la côte. Enfin il se détermina à sauter dans la chaloupe avec son compagnon : lorsque la chaloupe s’éloigna, ils se mirent tous à chanter, et con-