Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 26.djvu/111

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ves, surtout la nuit, quand ils ne sont vus de personne.

» L’île étant sortie depuis long-temps de sa barbarie première, une société si injurieuse au reste de la nation ne s’y serait point perpétuée jusqu’à présent, si elle n’offrait pas des avantages considérables. Deux raisons semblent favoriser l’existence des arréoïs, et ces deux raisons tiennent l’une à l’autre : la première, la nécessité d’entretenir un corps de guerriers pour défendre le pays contre l’invasion et les déprédations de l’ennemi : tous les arréoïs sont en effet soldats, mais, comme l’amour pouvait les énerver, on les assujettit peut-être d’abord à un célibat qu’ensuite ils ont trouvé trop difficile ; enfin, par cet établissement, on a lieu de croire qu’ils veulent empêcher la multiplication de la race des chefs. Un Taïtien intelligent, législateur de son pays, a pu prévoir que le peuple gémirait à la longue sous le joug de ces petits tyrans, si on les laissait pulluler en liberté. Le moyen le plus court d’aller au-devant de ce mal était d’obliger une partie des chefs à garder le célibat ; mais, afin de vaincre leur répugnance et de les assujettir à un si grand sacrifice, il fallait leur offrir quelque compensation : c’est peut-être de là que vient la haute estime de toute la nation pour l’ordre de l’arréoï : peut-être expliquera-t-on aussi par-là l’autorité et la gourmandise de ses membres ; car les guerriers jouissent de pareils avantages chez toutes les nations, avant qu’ils