Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 26.djvu/222

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à des illusions qui augmentaient mon plaisir en me représentant le genre humain sous un point de vue favorable. Nous venions de passer une quinzaine de jours au milieu d’un peuple qui nous avait accueilli avec beaucoup de défiance, et qui s’était préparé à repousser courageusement toute espèce d’hostilité : l’honnêteté de notre conduite, notre modération, avaient dissipé leur frayeur inquiète. Ces insulaires, qui, suivant toute apparence, n’avaient jamais connu d’hommes aussi bons, aussi paisibles, et pourtant aussi redoutables que nous ; qui étaient accoutumés à voir dans chaque étranger un ennemi lâche et perfide, conçurent alors des sentimens plus nobles de notre espèce : ils partagèrent avec nous des productions qu’ils ne craignaient plus qu’on leur enlevât par force ; ils nous permirent de visiter leurs charmantes retraites, et nous fûmes témoins de leur félicité domestique : bientôt ils commencèrent à aimer notre conversation, et ils conçurent de l’amitié pour nous. Je tombai ensuite dans des rêveries sur la prééminence des sociétés civilisées : un bruit qui frappa mes oreilles dans le lointain m’en fit sortir. Je me retournai, et j’aperçus le docteur Sparrman ; je lui montrai le spectacle qui me causait tant de joie, et je lui communiquai mes idées. Nous partîmes ensuite pour nous rendre à bord, parce que l’heure de midi approchait. Le premier naturel que nous rencontrâmes s’enfuit et se cacha dans un buisson : nous surprîmes en-