Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 26.djvu/70

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» Dans la foule de pirogues qui ne cessaient de nous entourer il y avait toujours des chefs de district qui nous apportaient des cochons et ce qu’ils avaient de plus précieux, pour les échanger contre des plumes rouges, auxquelles ils mettaient un prix extravagant. Ces plumes produisirent une grande révolution dans les liaisons des femmes avec nos matelots ; ceux qui avaient eu soin de faire provision de cette marchandise précieuse aux îles des Amis recevaient les avances des Taïtiennes, et choisissaient parmi elles celles qui leur plaisaient davantage. Le fait suivant prouvera quelles tentations irrésistibles ces plumes excitaient dans l’âme des Taïtiens. J’ai dit ailleurs que les femmes des chefs ne permettaient aucune liberté aux Européens, et que, si avant le mariage les filles accordaient leurs faveurs, les épouses ne souillaient point la couche nuptiale ; cependant un chef vint offrir sa femme à Cook, et la Taïtienne, suivant l’ordre de son mari, essaya de séduire le capitaine : elle montra ses charmes avec beaucoup d’immodestie. Je fus fâché que cette proposition vînt de la part de Potatou, dont le caractère était d’ailleurs sans tache ; mais après nous avoir déployé tant de grandeur, il se porta à cet excès de bassesse. Sa conduite nous inspira une indignation que nous ne pûmes pas nous empêcher de lui témoigner ; nous lui fîmes de sanglans reproches sur sa faiblesse. Heureusement les matelots avaient vendu aux Marquésas une quantité considérable de ces plumes