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nous comparions cet heureux pays au paradis de Mahomet, où l’appétit n’est jamais rassasié. J’ai oublié de dire que, voulant tout de suite manger avec nos mains, Taouha nous arrêta, et nous pria d’attendre ; bientôt un homme de sa suite apporta un grand couteau de cuisine et des bâtons de bambou qui devaient nous tenir lieu de fourchettes. Taouha découpa les mets, et il nous donna à chacun un bambou, en disant qu’il mangerait à la manière anglaise ; au lieu de porter son fruit à pain à sa bouche en gros morceaux, il le coupait en petites parcelles, et il en prenait une après chaque bouchée de poisson, pour montrer que, depuis le temps qu’il avait dîné avec nous, il n’avait pas oublié nos usages. Sa femme dîna à part quand nous eûmes fini, suivant la coutume invariable du pays. Après nous être promenés, et après avoir causé avec eux jusqu’au coucher du soleil, nous nous embarquâmes sur leur pirogue, pour aller au canton d’Attahourou, dont une partie appartenait à Taouha. Ils nous firent de tendres adieux, et promirent de revenir au bâtiment sous peu de jours. Nous louâmes une double pirogue pour un clou, et nous fûmes de retour à bord avant la nuit.

» Le nombre des prostituées était fort augmenté sur notre bord, depuis que nous avions montré les plumes rouges ; cette nuit plusieurs rôdèrent autour des ponts, cherchant des amoureux. Le porc frais les attirait aussi ; car, privées chez elles de ce mets exquis, elles tâchaient