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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 29.djvu/161

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menant un jour aux environs de la pointe Matavaï, où se trouvaient nos tentes, je vis un homme qui ramait dans sa pirogue avec une extrême rapidité, et comme il jetait d’ailleurs autour de lui des regards empressés, il attira mon attention. J’imaginai d’abord qu’il avait commis un vol, et qu’on le poursuivait ; mais après l’avoir examiné quelque temps, je m’aperçus qu’il s’amusait. Il s’éloigna de la côte jusqu’à l’endroit où commence la houle, et épiant avec soin la première vague, il fit force de rames devant cette vague, jusqu’à ce qu’il pût en éprouver le mouvement, et qu’elle eut assez de force pour conduire l’embarcation sans la renverser ; il se tint immobile alors, et il fut porté par la lame qui le débarqua sur la grève : il vida tout de suite sa pirogue, et retourna à la houle. Je jugeai qu’il goûtait un plaisir inexprimable à être promené si vite et si doucement sur les flots. Quoiqu’il fût à peu de distance de nos tentes, de la Résolution et de la Découverte, il ne fit pas la moindre attention au rassemblement nombreux de ses compatriotes, qui s’empressaient de voir nos vaisseaux et notre camp, objets qui devaient être si extraordinaires pour eux. Tandis que je l’observais, deux ou trois insulaires vinrent me joindre ; ils semblèrent partager son bonheur, et ils lui annoncèrent toujours par des cris l’apparence d’une houle favorable ; car ayant le dos tourné et cherchant la lame du côté où elle n’était pas, il la manquait quelque-