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l’entreprise est heureuse. La prévention des Nègres est si forte, que, si leurs espérances sont trompées, comme il arrive souvent, ils en rejettent la faute sur eux-mêmes, sans accuser jamais l’Agoye.

Mais le respect qu’on porte aux grands fétiches est extrêmement partagé par la multitude innombrable que chaque particulier choisit à son gré. Les plus communs sont de terre grasse, parce qu’il est aisé de faire prendre toutes sortes de formes à cette terre.

Bosman rapporte qu’étant sur la côte de Juida, en 1698 et 1699, il y vint un moine augustin de l’île de San-Thomé pour convertir les Nègres. Ce missionnaire proposa au roi d’écouter ses instructions ; et, dans la première visite que Bosman rendit à ce prince, il lui demanda ce qu’il pensait de cette proposition ; « Je la loue, lui dit le roi, et ce missionnaire me paraît fort honnête homme ; mais je suis résolu de m’en tenir à mes fétiches. » Le même religieux, se trouvant avec Bosman dans la compagnie d’un seigneur qui passait pour un homme d’esprit, déclara d’un ton menaçant : « Que si le peuple de Juida persistait dans ses fausses opinions et dans ses mœurs déréglées, il ne pouvait éviter de tomber dans les flammes de l’enfer pour y brûler éternellement avec le diable. » Le seigneur nègre répondit froidement : « Nous ne valons pas mieux que nos ancêtres ; ils ont mené la même vie et professé le même culte : si nous sommes