Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 3.djvu/243

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

honorée de contribuer aux plaisirs de son maître : une fille que son mauvais sort condamne à cet emploi obtient deux ou trois fois l’honneur d’être caressée par ce prince ; après quoi elle est ordinairement négligée pendant tout le reste de sa vie ; aussi la plupart des femmes sont-elles fort éloignées de regarder le titre de femme du roi comme une grande fortune ; il s’en trouve même qui préfèrent une prompte mort aux misères de cette condition. Bosman rapporte qu’un des trois capitaines ayant jeté les yeux sur une jeune fille, et se disposant à se saisir d’elle pour la conduire au roi, l’horreur qu’elle conçut pour leur dessein lui fit prendre la fuite : ils la poursuivirent ; mais lorsqu’elle désespéra de pouvoir leur échapper, elle tourna vers un puits qui se présenta dans sa course, et, s’y étant jetée volontairement, elle y fut noyée avant qu’on pût la secourir.

Dès que la mort du monarque est publiée, c’est un signal de liberté qui met tout le peuple en droit de se conduire au gré de ses caprices ; les lois, l’ordre et le gouvernement paraissent suspendus ; ceux qui ont des haines et d’autres passions à satisfaire prennent ce temps pour commettre toutes sortes d’excès ; aussi les habitans sensés se renferment-ils dans leurs maisons, parce qu’ils ne peuvent en sortir sans s’exposer au risque d’être volés ou maltraités ; il n’y a que les grands et les Européens qui puissent paraître sans danger ;