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sans une bonne garde. Messervy le remercia de ce conseil, mais parut si peu disposé à changer de conduite, qu’il lui répondit par ce vieux proverbe : l’œil du maître engraisse les chevaux. Il partit quelques jours après pour la Jamaïque. Snelgrave prit plus tard la même route ; mais, en arrivant dans cette île, on lui fit le récit de la malheureuse mort que Messervy s’était attirée par son aveugle confiance, dix jours après avoir quitté la côte de Guinée.

Un jour qu’il était au milieu de ses Nègres à les voir dîner, ils se saisirent de lui, et lui cassèrent la tête avec les plats mêmes dans lesquels on leur servait le riz. Cette révolte ayant été concertée de longue main, ils coururent en foule vers l’avant du vaisseau pour forcer la barricade, sans paraître effrayés du bout des piques et des fusils que les blancs leur présentaient par les embrasures. Enfin le contremaître ne vit d’autre remède pour un mal si pressant que de faire feu sur eux de quelques pièces de canon chargées à mitraille. La première décharge en tua près de quatre-vingts, sans compter ceux qui sautèrent dans les flots et qui s’y noyèrent. Cette exécution apaisa la révolte ; mais, dans le désespoir d’avoir manqué leur entreprise, une grande partie de ceux qui restaient se laissa mourir de faim ; et lorsque le vaisseau fut arrivé à la Jamaïque, les autres tentèrent deux fois de se révolter avant la vente. Tous les marchands de l’île, à qui ces fureurs ne purent être cachées, mar-