Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 4.djvu/247

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une boisson d’homme, c’est une boisson de femme ; si c’est de l’eau-de-vie, il faut que j’aie perdu la mémoire. » Le ministre, fort embarrassé, se vit obligé de faire paraître sa bouteille d’eau-de-vie ; et le radja, qui en reconnut l’odeur, s’écria que c’était une boisson d’homme. En effet, la bouteille fut bientôt vidée. Alors le prince alfourien, commençant à s’échauffer, tira de sa corbeille quelques morceaux de serpens et de sagou, qu’il offrit à Montanus ; et, les lui voyant refuser sous divers prétextes, il voulut du moins, pour signaler sa reconnaissance, lui faire accepter le spectacle d’un combat de ses Alfouriens. Les objections et les excuses ne purent le faire changer de dessein. Il fit commencer, à la lumière de quantité de flambeaux, un combat qui n’ayant d’abord été que simulé, devint bientôt sérieux. La terre fut jonchée de cadavres, le sang ruisselait, et les membres volaient de toutes parts, tandis que le radja ne cessait d’animer les combattans par ses promesses et ses menaces, sans que les représentations et les instances du ministre pussent l’engager à terminer une scène si tragique. « Ce sont mes sujets, lui répondit-il ; ce ne sont que des chiens morts, dont la perte n’est d’aucune importance ; et je ne me fais pas une affaire d’en sacrifier mille pour vous marquer mon estime. » Montanus, changeant de ton, réplique que c’était beaucoup d’honneur pour lui, mais que les lois hollandaises ne permettaient pas de répandre