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lier les fit descendre dans la prison inférieure, qui contenait alors cent vingt ou cent trente prisonniers portugais, métifs, indiens chrétiens, mahométans et gentils. L’usage entre ces malheureux est de choisir parmi eux un ancien auquel ils obéissent. Chacun lui paie un droit d’entrée, dont il donne la moitié au geôlier, et sur lequel il est obligé d’entretenir une lampe devant une image de Notre-Dame. La messe se dit tous les jours de fête, du côté extérieur de la grille. Comme ce lieu est le plus sale et le plus infect qu’on puisse se représenter, on a besoin d’une force extraordinaire pour résister long-temps aux vapeurs empoisonnées qu’on y respire. La lampe qu’on y entretient allumée pendant toute la nuit s’éteint souvent faute d’air. On est forcé, par l’excès de la chaleur, d’être nu jour et nuit. À la vérité, quelques esclaves, payés par l’ancien, rafraîchissent l’air avec un grand éventail ; mais le principal soulagement, sans lequel on périrait dès les premiers jours, vient d’une confrérie portugaise de la Miséricorde, qui donne tous les jours à chaque prisonnier chrétien une demi-tengue, c’est-à-dire la valeur de cinq sous, et aux autres, une fois le jour, du riz cuit et du poisson. On fournit aussi de l’eau pour se laver. Pyrard et ses deux compagnons n’eurent pas demeuré neuf à dix jours dans cet horrible cachot, qu’ils se trouvèrent le corps enflé et couvert de bubes fort douloureuses.