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mourut-il deux le lendemain, que les Turcs coupèrent par quartiers, et qu’ils pendirent pour trophée au bout de leurs vergues. Ils nous conduisirent à Moka, dont le gouverneur était père de ce même Dragut qui nous avait pris. Tous les habitans reçurent les vainqueurs avec des cris de joie. Nous fûmes présentés à cette multitude emportée, chargés de chaînes et si couverts de blessures, que l’évêque abyssin mourut des siennes le jour suivant. Nos souffrances furent beaucoup augmentées par les outrages que nous reçûmes dans toutes les rues de la ville où nous fûmes menés comme en triomphe. Le soir, lorsque nous eûmes perdu la force de marcher, on nous précipita dans un noir cachot. Nous y passâmes dix-sept jours entiers, sans autres secours qu’un peu de farine d’avoine, qui nous était distribuée le matin pour le reste du jour.

» Nous perdîmes, dans cet intervalle, deux autres de nos compagnons, qui furent trouvés morts le matin ; tous deux gens de naissance et de courage. Le geôlier, qui nous apportait notre nourriture, n’ayant osé toucher à leurs corps, se hâta d’avertir la justice, qui les vint prendre avec beaucoup d’appareil, pour les traîner par toutes les rues. Après y avoir été déchirés par toutes sortes de violences, ils furent jetés en pièces dans la mer. Enfin la crainte de nous voir périr successivement dans notre horrible prison, porta nos maîtres à nous faire conduire sur la place publique