Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/13

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dérober au danger ; mais nous nous obstinâmes si fort à suivre la même route, qu’ayant joint la rame à nos voiles, nous fûmes bientôt assez près des trois navires pour reconnaître que c’étaient des galiotes turques. Nous prîmes aussitôt la fuite avec un effroi qui nous fit tourner nos voiles vers la terre. C’était avancer notre malheur en donnant à nos ennemis l’avantage d’un vent soudain, dont nous avions cru pouvoir profiter ; ils nous poursuivirent à toutes voiles jusqu’à la portée du fusil, et, lâchant toutes leurs bordées à cette distance, ils mirent nos fustes dans un état déplorable. Cette décharge nous tua neuf hommes et nous en blessa vingt-six. Ensuite ils nous joignirent de si près, que de leur poupe ils nous blessaient aisément avec le fer de leurs lances. Cependant quarante-deux bons soldats qui nous restaient encore sans blessures, reconnaissant que notre conservation dépendait de leur valeur, résolurent de combattre jusqu’au dernier soupir. Ils attaquèrent courageusement la principale des trois galères, sur laquelle était Soliman Dragut. Leur premier effort fut si furieux de poupe à proue, qu’ils tuèrent vingt-sept janissaires ; mais cette galiote recevant aussitôt le secours des deux autres, nos deux fustes furent remplies en un instant d’un si grand nombre de Turcs, et le carnage s’échauffa si vivement, que, de cinquante-quatre que nous étions encore, nous ne restâmes que onze vivans, encore nous en