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Mahmoud, que je rejoignis après cette course, nous fit continuer la même route pendant neuf jours, et le vingt-troisième de notre voyage, il se trouva forcé de mouiller dans la petite île de Pisanduray, pour s’y faire un câble. Nous y descendîmes dans la seule vue de hâter cet ouvrage. Son fils m’ayant proposé d’essayer si nous pourrions tuer quelques cerfs, dont le nombre est fort grand dans cette île, je pris une arquebuse, et je m’enfonçai dans un bois avec lui. Nous n’eûmes pas fait cent pas que nous découvrîmes plusieurs sangliers qui fouillaient la terre ; et nous en étant approchés à la faveur des branches, nous en abattîmes deux. La joie de cette rencontre nous fit courir vers eux sans précaution. Mais notre horreur fut égale à notre surprise lorsque, dans le lieu même où ils avaient fouillé, nous aperçûmes douze corps humains qui avaient été déterrés, et quelques autres à demi mangés.

L’excès de la puanteur nous força de nous retirer, et le jeune Maure jugea seulement que nous devions avertir son père, dans la crainte qu’il n’y eût autour de l’île quelque corsaire qui pouvait fondre sur nous et nous égorger sans résistance, comme il était arrivé mille fois à des marchands par la négligence des capitaines. Le vieux nécoda était homme prudent : il envoya faire aussitôt la ronde dans toutes les parties de l’île. Il fit embarquer les femmes et les enfans, avec le linge à demi-la-