Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/207

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

lement quarante hommes ; et tel était à peu près leur nombre. Martin Estevez, capitaine du vaisseau, à qui la lumière du jour apprenait qu’il ne restait plus d’autre espérance, pria instamment ses propres valets, qui s’étaient déjà retirés dans cet asile, de le recevoir parmi eux. Ils eurent l’audace de répondre qu’ils ne le pouvaient sans danger pour leur sûreté. Un Portugais, nommé Ruy de Moura, qui entendit ce discours, sentit renaître son courage avec sa colère ; et se levant quoique assez blessé, il nous représenta si vivement combien il était important pour notre vie de nous saisir du radeau, qu’au nombre de vingt-huit comme nous étions nous entreprîmes de l’ôter aux Chinois. Ils nous opposèrent les haches de fer qu’ils avaient à la main ; mais nous fîmes une exécution si terrible avec nos épées, que dans l’espace de trois ou quatre minutes tous nos ennemis furent abattus, à nos pieds. Cependant nous perdîmes seize Portugais dans ce combat, sans compter douze blessés, dont quatre moururent le jour d’après. Un si triste spectacle me fit faire des réflexions sur les misères de la vie humaine : il n’y avait pas douze heures que nous nous étions tous embrassés dans le navire, et que, nous regardant comme des frères, nous étions disposés à mourir l’un pour l’autre.

» Aussitôt que nous fûmes en possession du radeau qui nous avait coûté tant de sang, chacun s’empressa de s’y placer dans l’ordre