Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/224

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me sentant sauter je crusse que c’était fait de moi, je conservai néanmoins toute la liberté de mon jugement, et je sentis dans mon cœur une étincelle d’espérance. Du milieu des airs je tombai dans l’eau, entre les débris du navire qui était en pièces. Dans cette situation, mon courage se ranima si vivement, que je crus devenir un autre homme. En regardant autour de moi, je vis le grand mât à l’un de mes côtés, et le mât de misaine à l’autre. Je me mis sur le grand mât ; d’où je considérai tous les tristes objets dont j’étais environné. Alors je dis en poussant un profond soupir : « Ô Dieu ! ce beau navire a donc péri comme Sodome et Gomorrhe ! »

» Je fus quelque temps sans apercevoir aucun homme. Cependant, tandis que je m’abîmais dans mes réflexions, je vis paraître sur l’eau un jeune homme qui sortait du fond, et qui nageait des pieds et des mains. Il saisit la cagouille de l’éperon qui flottait sur l’eau, et dit en s’y mettant : « Me voici encore au monde. J’entendis sa voix, et je m’écriai : « Ô Dieu ! y a-t-il ici quelque autre homme que moi qui soit en vie ? » Ce jeune homme se nommait Harman van Kuiphuisen, natif d’Eyder. Je vis flotter près de lui un petit mât. Comme le grand sur lequel j’étais ne cessait pas de rouler et de tourner, ce qui me causait beaucoup de peine, je dis à Harman : « Pousse-moi cette espare ; je me mettrai dessus, et la ferai flotter vers toi pour nous y mettre en-