Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/241

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tranquilles. Je pris la résolution de m’embarquer avec quatre de nos gens dans une petite pirogue qui était sur la rive, et de remonter la rivière jusqu’à un village que nous aperçûmes dans l’éloignement, pour aller faire autant de provisions qu’il me serait possible, avec le reste de l’argent que j’avais rassemblé. M’étant hâté de partir, j’eus bientôt acheté du riz et des poules, que j’envoyai à Rol avec la même diligence, en lui recommandant l’égalité dans la distribution, pour ne donner à personne aucun sujet de plainte. De mon côté, je fis dans le village un fort bon repas avec mes compagnons, et je ne trouvai pas la liqueur du pays sans agrément. C’est une sorte de vin qui se tire des arbres, et qui est capable d’enivrer. Pendant que nous mangions, les habitans étaient assis autour de nous, et conduisaient nos morceaux de leurs regards, en les dévorant des yeux. Après le repas, j’achetai d’eux un buffle, qui me coûta cinq réales et demi, mais étant si sauvage que nous ne pouvions le prendre ni l’amener : nous y employâmes beaucoup de temps. Le jour commençait à baisser ; je voulais que nous retournassions à la chaloupe, dans l’intention de revenir le lendemain. Mes gens me prièrent de les laisser cette nuit dans le village, sous prétexte qu’il leur serait plus aisé de prendre le buffle pendant les ténèbres. Je n’étais pas de leur avis, et je m’efforçai de les détourner de ce dessein. Cependant leurs instances m’y fi-