Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/242

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rent consentir, et je les quittai en les abandonnant à leur propre conduite.

» Je retournai sur le bord de la rivière, où je trouvai près de la pirogue quantité d’insulaires qui paraissaient en contestation. Ayant cru démêler que les uns voulaient qu’on me laissât partir, et que d’autres s’y opposaient, j’en pris deux par le bras, et je les poussai vers la pirogue d’un air de maître. Leurs regards étaient farouches ; cependant ils se laissèrent conduire jusqu’à la barque, et ne firent pas difficulté d’y entrer avec moi. L’un s’assit à l’arrière , et l’autre à l’avant ; enfin ils se mirent à ramer. J’observai qu’ils avaient au côté chacun leur cric ou leur poignard, et par conséquent qu’ils étaient maîtres de ma vie. Après avoir vogué, celui qui était à l’arrière vînt à moi, au milieu de la pirogue où je me tenais debout, et me déclara par des signes qu’il voulait de l’argent. Je tirai de ma poche une petite pièce de monnaie que je lui offris. Il la reçut, et l’ayant regardée quelques momens d’un air incertain, il l’enveloppa dans le morceau de toile qu’il avait autour de sa ceinture. Celui qui était à la proue vint à son tour, et me fit les mêmes signes. Je lui donnai une autre pièce, qu’il considéra aussi des deux côtés ; mais il parut encore plus incertain s’il la devait prendre ou m’attaquer ; ce qui lui aurait été facile, puisque j’étais sans armes. Je sentis la grandeur du péril, et le cœur me battait violemment. Cependant nous descendions tou-