Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/349

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raconté à Tavernier que les singes qui habitent un côté du chemin étaient si mortels ennemis de ceux qui occupent les forêts du côté opposé, que, si le hasard en fait passer un d’un côté à l’autre, il est étranglé sur-le-champ. Le gouverneur de Paliacate lui avait parlé du plaisir qu’il avait eu à les voir combattre, et lui avait appris comment on se procure ce spectacle. Dans tout ce canton le chemin est fermé, de lieue en lieue, par des portes et des barricades, où l’on fait une garde continuelle, avec la précaution de demander aux passans où ils vont et d’où ils viennent ; de sorte qu’un voyageur y peut marcher sans crainte et porter son or à la main. L’abondance n’y règne pas moins que la sûreté, et l’on y trouve à chaque pas l’occasion d’acheter du riz. Ceux qui veulent être témoins d’un combat de singes font mettre dans le chemin cinq ou six corbeilles de riz, éloignées de quarante ou cinquante pas l’une de l’autre ; et près de chaque corbeille cinq ou six bâtons de deux pieds de long et de la grosseur d’un pouce. On se retire ensuite un peu plus loin. Bientôt on voit les singes descendre des deux côtés du sommet des bambous, et sortir du bois pour s’approcher des corbeilles. Ils sont d’abord près d’une demi-heure à se montrer les dents : tantôt ils avancent, tantôt ils reculent, comme s’ils appréhendaient d’en venir au choc. Enfin les femelles, qui sont plus hardies que les mâles, surtout celles qui ont des petits, qu’elles portent entre leurs bras, comme une femme