Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/350

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

porte son enfant, s’approchent d’une proie qui les tente, et mettent la tête dans les corbeilles. Alors les mâles du parti opposé fondent sur elles et les mordent sans ménagement. Ceux de l’autre côté s’avancent aussi pour soutenir leurs femelles ; et, la mêlée devenant furieuse, ils prennent les bâtons qu’ils trouvent près des corbeilles, avec lesquels ils commencent un rude combat. Les plus faibles sont obligés de céder : ils se retirent dans les bois, estropiés de quelque membre, ou la tête fendue ; tandis que les vainqueurs, demeurant maître du champ de bataille, mangent avidement le riz. Cependant, lorsqu’ils sont à demi rassasiés, ils souffrent que les femelles du parti contraire viennent manger avec eux.

Tavernier, se disposant à partir pour Golconde, se rendit le 15 au matin à la tente du nabab Mirghimola. Sa curiosité n’y manqua pas d’exercice. Ce général était assis les jambes croisées et les pieds nus, avec deux secrétaires près de lui. Cette posture n’eut rien de surprenant pour Tavernier, parce qu’elle est commune en Orient, non plus que la nudité des jambes et des pieds, parce que c’est l’usage des plus grands seigneurs de Golconde, surtout dans leurs appartemens, où l’on ne marche que sur de riches tapis. Mais il observa que le nabab avait tous les entre-deux des doigts des pieds pleins de lettres, et qu’il en avait aussi quantité entre les doigts de la main gauche. Il en tirait tantôt de ses mains, tantôt de ses