Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le vieillard, et, le voyant aussi blanc que nous, il lui demanda s’il était Turc ou Persan. La curiosité nous avait rassemblés tous autour de lui pour écouter son histoire. Il nous dit qu’il était Arménien d’origine, et né au Mont-Sinaï, d’une fort bonne famille ; que son nom était Thomas Moustangen : que, se trouvant en 1538 au port de Djedda, avec un vaisseau qui lui appartenait, Soliman pacha, vice-roi du Caire, qui allait faire le siége de Diu, l’avait fait prendre avec d’autres vaisseaux marchands pour servir au transport de ses vivres et de ses munitions ; qu’après avoir rendu ce service aux Turcs, et lorsqu’il leur avait demandé le salaire qu’on lui avait promis, non-seulement ils lui avaient manqué de parole, mais qu’ils lui avaient pris sa femme et sa fille, qu’ils avaient violées devant lui, et qu’ils avaient jeté son fils dans la mer pour leur avoir reproché cette injure ; qu’ensuite, s’étant vu enlever son vaisseau et la valeur de six mille ducats qui faisaient la meilleure partie de son bien, le désespoir l’avait conduit à Surate, avec le fils qui était à bord, et le seul qui lui restait ; que de là ils s’étaient rendus à Malacca dans le navire de don Garcie de Saa, gouverneur de Bacaïme, d’où il était parti pour la Chine avec Christophe de Sardinha, qui avait été facteur aux Moluques ; mais qu’étant à l’ancre dans le détroit de Sincapar, Quiay Tajana, maître de la jonque dont nous venions de nous saisir, avait surpris le vaisseau portugais pendant la