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nuit ; qu’il s’en était rendu maître par la mort du capitaine et de tout l’équipage, et que, de vingt-sept chrétiens, il était le seul à qui la vie eut été conservée avec celle de son fils, parce que le corsaire avait reconnu qu’il n’était pas mauvais canonnier.

» Faria ne put entendre ce récit sans se frapper le front d’étonnement : « Mon Dieu ! mon Dieu ! dit-il, il me semble que ce que j’entends est un songe. » Ensuite, se tournant vers ses soldats il leur raconta l’histoire du corsaire qu’il avait apprise en arrivant aux Indes. C’était un des plus cruels ennemis du nom portugais. Il en avait tué de sa propre main plus de cent ; et le butin qu’il avait fait sur eux montait à plus de cent mille ducats. Quoique son nom fût Quiay Tajana, sa vanité lui avait fait prendre celui de capitaine Sardinha, depuis qu’il avait massacré cet officier. Nous demandâmes à l’Arménien ce qu’il était devenu : il nous dit qu’étant fort blessé, il s’était caché dans la soute entre les câbles, avec six ou sept de ses gens. Faria s’y rendit aussitôt, et nous ouvrîmes l’écoutille des câbles. Alors ce brigand désespéré sortit par une autre écoutille, à la tête de ses compagnons, et se jeta si furieusement sur nous, que, malgré l’extrême inégalité du nombre, le combat dura près d’un quart d’heure. Ils ne quittèrent les armes qu’en expirant. Nous ne perdîmes que deux Portugais et sept Indiens de l’équipage ; mais vingt furent blessés, et Faria reçut