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fourniraient de quoi nous défendre contre la faim ; et loin de renoncer à la fortune, il nous représenta que, la misère même devant être un aiguillon pour le courage, nous ne pouvions trop attendre de l’avenir, en proportionnant cette attente à notre situation.

» Nous employâmes deux jours à donner la sépulture aux morts. Quelques provisions mouillées que nous tirâmes des flots servirent à nous soutenir pendant ce triste office ; mais comme ces vivres étaient trempés, la pouriture qui s’y mit bientôt ne nous permit pas d’en faire un long usage. En moins de cinq jours, il nous devint impossible d’en soutenir l’ôdeur et le goût. Nous nous vîmes forcés d’entrer dans les bois, où, nous trouvant sans armes, il nous servit peu de voir passer quantité de bêtes sauvages que nous ne pouvions espérer de prendre à la course. Le froid et la faim nous avaient déjà si fort affaiblis, que plusieurs de nos compagnons tombaient morts en nous parlant. Faria continuait de nous ranimer par ses exhortations ; mais un sombre silence, dans lequel il tombait souvent malgré lui, nous apprenait assez qu’il ne jugeait pas mieux que nous de notre sort. Un jour qu’il s’était assis pour nous faire manger à son exemple quelques plantes sauvages que nous connaissions peu, un oiseau de proie qui s’était élevé derrière la pointe que l’île forme au sud, laissa tomber près de lui un poisson de la longueur d’un pied. Il le prit, et l’ayant fait