Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/97

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» Nous nous rassemblâmes sur le rivage, où, pendant tout le jour et la nuit suivante, nous ne cessâmes point de pleurer notre infortune. Le pays était rude et montagneux : il y avait peu d’apparence qu’il fût habité dans les parties voisines. Cependant, le lendemain au matin, nous fîmes six ou sept lieues au travers des rochers, dans la triste espérance de rencontrer quelque habitant qui voulût nous recevoir en qualité d’esclaves, et qui nous donnât à manger pour prix de notre liberté. Mais, après une marche si fatigante, nous arrivâmes à l’entrée d’un immense marécage, au delà duquel notre vue ne pouvait s’étendre, et dont le fond était si humide, qu’il nous fut impossible d’y entrer. Il fallut retourner sur nos traces, parce qu’il ne se présentait pas d’autre passage. Nous nous retrouvâmes le jour suivant dans le lieu où notre vaisseau s’était perdu, et découvrant sur le rivage les corps que la mer y avait jetés, nous recommençâmes nos plaintes et nos gémissemens. Après avoir employé le troisième jour à les ensevelir dans le sable, sans autre instrument que nos mains, nous prîmes notre chemin vers le nord, par des précipices et des bois que mous avions une peine extrême à pénétrer. Cependant nous descendîmes enfin sur le bord d’une rivière que nous résolûmes de traverser à la nage ; mais les trois premiers qui tentèrent ce passage furent emportés par la force du courant. Comme ils étaient les plus vigoureux,