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pédier divers ordres ; il en écrivait lui-même. Mais ces occupations ne l’empêchaient pas d’avoir à la bouche une pipe, qu’un valet soutenait d’une main, et dont il allumait le tabac de l’autre. Il sortit bientôt pour aller faire la revue de quelques compagnies de cavalerie et d’infanterie qui étaient rangées en bataille dans la cour. Après avoir visité leurs armes, il les fit tirer au blanc, pour juger de leur adresse, et pour augmenter la paie des plus habiles aux dépens de celle des autres, qu’il diminuait d’autant. Nous pensions à nous retirer ; mais il nous fit dire qu’il voulait que nous dînassions avec lui. Dans l’intervalle, on nous servit des fruits, dont une bonne partie fut envoyée au comptoir anglais par son ordre. À son retour, il se fit apporter un petit cabinet d’or enrichi de pierreries, dont il tira deux layettes. Dans l’une, il prit de l’opium, et dans l’autre du bengh, espèce de poudre qui se fait des feuilles et de la graine de chenevis, et dont les Mogols prennent pour s’exciter aux voluptés des sens. Après en avoir pris une cuillerée, il m’envoya le cabinet. « Il est impossible, me dit-il, que, pendant votre séjour d’Ispahan, vous n’ayez pas appris l’usage de cette drogue. Vous me ferez plaisir d’en goûter, et vous la trouverez aussi bonne que celle de Perse. » J’eus la complaisance d’en prendre, et le directeur suivit mon exemple, quoique ni l’un ni l’autre nous n’en eussions jamais pris, et que nous y trouvassions peu de goût. Dans la conversation