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de la route, arrêtent les vents frais, réfléchissent les rayons du soleil sur les voyageurs, et laissent dans la campagne une ardeur brûlante. En raisonnant sur la cause du mal, il s’écriait dès le quatrième jour : « Que me sert de philosopher et de chercher des raisons de ce qui me tuera peut-être demain ? »

Le cinquième jour, il passa un des grands fleuves de l’Inde, qui se nomme le Tchenâb. L’eau en est si bonne, que les omhras en font charger leurs chameaux, au lieu de celle du Gange, dont ils boivent jusqu’à ce lieu ; mais elle n’eut pas le pouvoir de garantir Bernier des incommodités de la route. Il en fait une peinture effrayante. Le soleil était insupportable dès le premier moment de son lever : on n’apercevait pas un nuage ; on ne sentait pas un souffle de vent ; les chameaux, qui n’avaient pas vu d’herbe verte depuis Lahor, pouvaient à peine se traîner. Les Indiens, avec leur peau noire, sèche et dure, manquaient de force et d’haleine ; on en trouvait de morts en chemin ; le visage de Bernier, ses mains et ses pieds étaient pelés ; tout son corps était couvert de petites pustules ronges qui le piquaient comme des aiguilles ; il doutait, le dixième jour de la marche, s’il serait vivant le soir ; toute son espérance était dans un peu de lait caillé sec, qu’il délayait dans l’eau avec un peu de sucre, et quatre ou cinq citrons qui lui restaient pour faire de la limonade.

Il arriva néanmoins la nuit du douzième