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n’y avait personne aux Indes qui fût capable d’en faire une aussi belle. Aussitôt que je parus : « Que donneriez-vous, dit-il, au peintre qui aurait fait une copie de votre tableau, si ressemblante, que vous ne la puissiez pas distinguer de l’original ? » Je lui répondis que je donnerais volontiers vingt pistoles. « Il est gentilhomme, répondit l’empereur ; vous lui promettez trop peu. » Je donnerai mon tableau de bon cœur, dis-je alors, quoique je l’estime très-rare ; mais je ne prétends pas faire de gageure ; car si votre peintre a si bien réussi, et s’il n’est pas content de ce que je lui promets, votre majesté a de quoi le récompenser. Après quelques discours sur les arts qui s’exécutent aux Indes, il m’ordonna de me rendre le soir au gouzalkan, où il me montrerait ses peintures.

» Vers le soir il me fit appeler par un nouvel ordre, dans l’impatience de triompher de l’excellence de son peintre. On me fit voir six tableaux entre lesquels était mon original ; ils étaient sur une table, et si semblables en effet, qu’à la lumière des chandelles j’eus à la vérité quelque embarras à distinguer le mien ; je confesse que j’avais été fort éloigné de m’y attendre. Je ne laissai pas de montrer l’original, et de faire remarquer les différences qui devaient frapper les connaisseurs. L’empereur ne fut pas moins satisfait de m’avoir vu quelques momens dans le doute ; je lui donnai tout le plaisir de sa victoire en louant l’excellence de