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était fort au-dessous de celle du peintre qui avait fait les copies, et je lui dis que c’était la cause de mon erreur, parce que, sur le portrait qu’on m’avait donné pour l’ouvrage d’un des meilleurs peintres du pays, j’avais jugé de la capacité des autres. Il me demanda où je l’avais eu. Je lui dis que je l’avais acheté d’un marchand. « Hé, comment, répliqua-t-il, employez-vous de l’argent à ces choses-là ? Ne savez-vous pas que j’ai ce qu’il y a de plus parfait en ce genre ? et ne vous avais-je pas dit que je vous donnerais tout ce que vous pourriez désirer ? » Je lui répondis qu’il ne me convenait point de prendre la liberté de demander, mais que je recevrais comme une grande marque d’honneur tout ce qui me viendrait de sa majesté. « Si vous voulez mon portrait, me dit-il, je vous en donnerai un pour vous et un pour votre roi. » Je l’assurai que, s’il en voulait envoyer un au roi mon maître, je serais fort aise de le porter, et qu’il serait reçu avec beaucoup de satisfaction ; mais j’ajoutai que, s’il m’était permis de prendre quelque hardiesse, je prenais celle de lui en demander un pour moi-même, que je garderais toute ma vie, et que je laisserais à ceux de ma maison, comme une glorieuse marque des faveurs qu’il m’accordait. « Je crois bien, me dit-il, que votre roi s’en soucie peu ; pour vous, je suis persuadé que vous serez bien aise d’en avoir un, et je vous promets que vous l’aurez. » En effet, il donna ordre sur-le-champ qu’on m’en fît un.