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étui pour mon arc, dont je vous ferai donner le modèle, un coussin à ma manière pour dormir dessus, une paire de brodequins de la plus riche broderie d’Angleterre, et une cotte de mailles pour mon usage. Je sais qu’on travaille mieux chez vous qu’en aucun lieu du monde. Si vous me faites ce présent, vous savez que je suis un puissant prince, et vous ne perdrez rien à vous être chargé de cette commission. » Je l’assurai que j’exécuterais fidèlement ses ordres. Il chargea aussitôt Azaph-Khan de m’envoyer les modèles. Ensuite il me demanda s’il me restait du vin de raisin. Je lui répondis que j’en avais encore une petite provision. « Eh bien ! me dit-il, envoyez-le-moi ce soir. J’en goûterai ; et si je le trouve bon, j’en boirai beaucoup »

Ainsi, dans cette audience qui passa pour une faveur extraordinaire, Rhoé se vit dépouillé de ses caisses et de son vin, sans emporter d’autres fruits de ses libéralités que des promesses. Il faut convenir qu’il n’y a guère de spectacle plus vil et plus dégoûtant que celui d’un monarque des Indes faisant ainsi l’inventaire des caisses d’un étranger pour s’approprier sous divers prétextes, ou pour demander bassement ce qu’elles contiennent. Il semble que les princes d’Asie regardent comme une des marques de leur dignité le privilége de recevoir. Les princes d’Europe ont des idées plus justes de la grandeur. Ils ne se croient faits que pour donner ; et c’est une faveur