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et sur d’autres indices, le capitaine et le pilote jugèrent que c’était le cap de Bonne-Espérance. On continua la route dans cette supposition jusqu’à deux ou trois heures après le soleil couché, qu’on se crut au delà des terres qu’on avait reconnues. Alors, changeant de route, on porta un peu plus vers le nord. Comme le temps était clair et le vent fort frais, le capitaine, persuadé qu’on avait doublé le Cap, ne mit point de sentinelle sur les antennes. Les matelots de quart veillaient à la vérité, mais c’était pour les manœuvres, ou pour se réjouir ensemble avec tant de confusion, qu’aucun ne s’aperçut et ne se défia même du danger. Je fus le premier qui découvris la terre. Je ne sais quel pressentiment du malheur qui nous menaçait m’avait fait passer une nuit si inquiète, qu’il m’avait été impossible de fermer l’œil pour dormir. Dans cette agitation, j’étais sorti de ma chambre, et je m’amusais à considérer le navire, qui semblait voler sur les eaux. En regardant un peu plus loin, j’aperçus tout d’un coup sur la droite une ombre fort épaisse et peu éloignée de nous. Cette vue m’épouvante : j’en avertis le pilote qui veillait au gouvernail. En même temps on cria de l’avant du vaisseau : Terre ! terre ! devant nous. Nous sommes perdus ! Revirez de bord. Le pilote fit pousser le gouvernail pour changer de route. Nous étions si près du rivage, qu’en revirant, le navire donna trois coups de sa poupe sur une roche, et perdit aussitôt son