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rivière, nous n’avions trouvé aucune espèce de nourriture, et nous étions à demi morts de faim. On fit aussitôt du feu. Pour moi, qui n’avais aucun usage à faire de mes souliers, et qui étais même embarrassé de cet inutile fardeau, j’en séparai toutes les pièces que je fis griller, et nous les mangeâmes avidement. On essaya de manger le chapeau d’un de nos valets, après l’avoir fait griller long-temps ; mais il fut impossible de le mâcher, il fallait en faire cuire les pièces jusqu’à les mettre en cendres, et dans cet état, elles étaient si amères et si dégoûtantes, qu’elles révoltaient l’estomac.

» Après avoir repris notre route, nous trouvâmes encore au pied d’un coteau une preuve bien sensible que les Portugais suivaient comme nous le bord de la rivière. Ce fut le corps d’un de nos interprètes qui s’était joint à leur troupe, et qui était mort en chemin. Il avait les genoux en terre, la tête et le reste du corps appuyés sur le revers d’un petit coteau. Les deux interprètes qui nous restaient étant métis, c’est-à-dire nés de pères européens et de mères siamoises, n’avaient pas voulu se séparer des Portugais et nous avaient abandonnés avec eux ; nous jugeâmes que celui-ci était mort de froid. Le coteau était couvert d’une si belle verdure, que chacun y fit une petite provision d’herbes et de feuilles les moins amères pour le repas du soir. L’idée que les Portugais étaient trop loin devant nous, et que nous nous fatiguions inutilement pour les