Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 7.djvu/211

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

essayer de porter son fils : il le fit mettre sur ses épaules ; mais, n’ayant pas la force de faire un pas, il tomba rudement avec son fardeau. Cet enfant paraissait plus affligé de la douleur de son père que de ses propres maux. Il le conjura souvent de le laisser mourir, en lui représentant que les larmes qu’il lui voyait verser augmentaient sa douleur sans pouvoir servir à prolonger sa vie : on n’espérait pas en effet qu’il pût vivre jusqu’au soir. À la fin, voyant que ses discours ne faisaient qu’attendrir son père, jusqu’à lui faire prendre la résolution de mourir avec lui, il conjura les autres Portugais, avec des expressions dont le souvenir les attendrissait encore, de l’éloigner de sa présence, et de prendre soin de sa vie. Deux religieux représentèrent au capitaine que la religion l’obligeait de travailler à la conservation de sa vie ; ensuite tous les Portugais se réunirent pour l’enlever, et le portèrent hors dé la vue de son fils, qu’on avait mis un peu à l’écart, et qui expira dans le cours de la nuit. Cette séparation lui fut si douloureuse, qu’ayant porté jusqu’au Cap l’image de son malheur et le sentiment de sa tristesse, il y mourut deux jours après son arrivée.

» Nous passâmes près de quatre mois au cap de Bonne-Espérance, pour attendre quelque vaisseau hollandais qui fit voile pour Batavia ; mais nous fûmes plus de deux mois à reprendre nos forces. Un habile chirurgien, qui se chargea de rétablir notre santé, nous imposa d’a-