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du khan des loups, des léopards et des lions. Le poil de ces lions offre des étoiles de diverses couleurs, blanches, noires et rouges. On est surpris de la force et de l’adresse avec laquelle ils prennent des taureaux et des ânes sauvages, des ours et des animaux de cette grosseur. On en porte deux dans un chariot, avec un chien dont on se sert pour les apprivoiser, et l’on observe de marcher contre le vent, afin que les bêtes ne s’aperçoivent pas de leur approche à l’odeur. Le khan fait apprivoiser aussi des aigles qui prennent le lièvre, le chevreuil, le daim et le renard : il s’en trouve de si fiers, qu’ils attaquent les loups, qu’ils incommodent assez pour donner aux chasseurs le moyen de les prendre sans peine et sans danger. Cette méthode d’apprivoiser l’animal de proie, de plier la fierté de l’hôte des forêts, et de changer des monstres féroces en troupeaux esclaves et en chasseurs disciplinés, cette coutume des nations sauvages, inconnue aux peuples policés, a quelque chose d’imposant et de guerrier qui tient à la dignité de l’homme, et qui semble lui rendre son empire naturel sur tous les êtres animés qui peuplent ce globe.

Bayern et Mingan, deux frères du khan, qui portaient le titre de chivichis, c’est-à-dire d’intendans des chasses, commandaient chacun dix mille hommes. Ces deux corps avaient leur livrée de chasse ; l’un, rouge ; l’autre, bleu céleste. Ils nourrissaient cinq mille chiens