Page:La Harpe - Lycée ou cours de littérature ancienne et moderne, tome 5.djvu/4

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
INTRODUCTION,


OU


DISCOURS SUR L’ÉTAT DES LETTRES
EN EUROPE,


DEPUIS LA FIN DU SIÈCLE QUI A SUIVI CELUI D’AUGUSTE,
JUSQU’AU RÈGNE DE LOUIS XIV,


Tel qu’il fut prononcé en 1797

.



Nous avons parcouru ces beaux siècles de la Grèce et de Rome, qui ont été ceux de la gloire et des prodiges de l’esprit humain : nous avons voyagé au milieu de ces grands monuments dont le temps a respecté du moins une partie qui doit faire à jamais regretter l’autre. Si long-temps ensevelis dans les vastes et profondes ténèbres dont la barbarie obscurcissait la terre aux premières lueurs de la raison et du goût, le travail et l’érudition les débarrassèrent des décombres qui les couvraient, et de la rouille qui les avait noircis. Le génie, au moment où il s’éveilla comme d’un long sommeil, ne put les contempler qu’avec cet enthousiasme qui apprend à égaler, ou du moins à imiter ce qu’on admire ; et, dans la suite, la satiété, le paradoxe et une rivalité mal entendue leur ont insulté avec une orgueilleuse ingratitude, à cette époque où l’esprit devient subtil et contentieux, en même temps que les grands talents deviennent plus rares ; où la prétention de juger l’emporte sur le besoin de jouir ; où l’on médit de ce qui