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a été fait, à mesure qu’il devient plus difficile de bien faire ; enfin, où l’on ne conserve plus guère d’autre goût que l’amour aveugle de la nouveauté, quelle qu’elle soit ; goût pervers et dépravé, qui calomnie le passé, corrompt le présent, et, méconnaissant tous les principes du beau et du bon, laisse à peine l’espérance de l’avenir.

Nous avons suivi des yeux les chantres d’Achille et d’Énée dans la carrière immense de l’épopée, et mêlé nos applaudissements à ceux de la Grèce assemblée, lorsqu’elle couronnait sur le théâtre les Euripide et les Sophocle, et que, dans les jeux olympiques, elle décernait des palmes au courage, à l’adresse, à la force, au son de la lyre de Pindare, que nous avons retrouvée depuis dans les mains de cet heureux favori de la nature et de Mécène, qui savait passer si facilement du sublime aux chansons, et de la morale du Portique à celle d’Épicure. Nous nous sommes crus un moment, dans le Lycée, Grecs ou Romains (et c’est ainsi seulement qu’il pouvait nous être permis de le croire), quand l’éloquence elle-même, sous les traits de Cicéron ou de Démosthènes, est montée dans la tribune d’Athènes et de Rome avec cet air de grandeur qu’elle devait avoir dans les anciennes républiques, et ce caractère énergique et fier, si naturellement empreint sur le front des orateurs de la liberté, si ridiculement contrefait de nos jours sur celui de la servitude factieuse ou de l’hypocrite tyrannie.

La muse de l’histoire s’est montrée à nous non moins majestueuse, entourée de tous les héros qu’elle faisait revivre. Mais, en descendant à l’âge suivant, la décadence nous a déjà frappés. Les traits brillants de Lucain, tout l’esprit de Pline et de Sénèque, les pointes de Martial, n’ont servi qu’à nous faire sentir davantage quels hommes c’étaient que Cicéron, Virgile et Catulle. La Grèce ne peut plus se glorifier que de son Plutarque, qui se place encore au rang des classiques. Rome