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Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/132

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—124— des autres, sans doctrine commune, sans même un nom sollicitant violem ment l'attention du public. Le Voorwaarts n'est pas une école, ni même un groupe de camarades, c'est simplement un syndicat, une association conclue en vue de la présen tation des œuvres de ses membres au public. Pas de credo, pas d'intolé rance [ni d'exclusivisme. Or, cette association atteint pleinement son but; elle s'acquitte parfaitement du genre de service pour lequel elle a été constituée. Avec des œuvres qui ne sont pas toutes intéressantes, elle com pose un salon intéressant, de bonne tenue, d'aspect favorable, sur le plan du salon des XX, le plus rationnel, qu'on finira par adopter partout. Et le public vient, voit, regarde, se rend compte, achète, et c'est un succès. Aux expositions triennales, c'est à peu près le contraire. Avec des œuvres qui ne sont pas toutes mauvaises, on y compose un salon ennuyeux, accablant, où l'on ne peut rien voir, d'où l'on sort avec une immense migraine et un immense dégoût. Le Voorwaarts a adopté le système des invitations, et il en use discrète ment et éclectiquement. Citons : deux paysages, En Provence et En Auvergne, du français Gagliardini, un peu bien italien tout de même, ou peut-être du Tessin, patrie des confiseurs? toiles extraordinairement claires, — nous disons claires, et non lumineuses, car la lumière vibre davantage, — d'un rendu et d'un métier étonnants. La Récolte du lin de M. Claus vibre, elle, et marque bellement les qualités de ce peintre en plein développement, de même qu'un effet de lumière dans la neige, Fin du jour, impressionnant à la manière de certaines œuvres de M. Ver- straete, avec qui M. Claus a quelque parenté. Puis : de M. Heymans, un frais Effet de soleil après la pluie, avec l'atmosphère d'une irré prochable justesse; de M. Kamerlingh, une nature morte d'un maçonnage puissant, très semblable à celles qu'exposa l'an dernier aux XX un autre Hollandais, M. Verster; de M. Gari Melchers, A l'Eglise, une petite paysanne debout, lisant dans son livre d'heures, d'un goût charmant, d'une simplicité entière; de M. Pointelin, une plaine ondulée, à l'horizon infini, sous un ciel fuyant et triste ; de M. Vanaise, un portrait qui ne comptera pas parmi ses meilleurs; de M. Alfred Verhaeren, des intérieurs truculents, harmonisés en rouge majeur, des paysages rugueux, brossés presque avec colère, nullement « nature », mais très impressifs, de la colo ration la plus intense et la plus saturée. Arrivons aux membres du Cercle. Parmi les paysagistes, très nombreux, comme partout, s'y distinguent particulièrement MM. Van Doren, Blieck, Delgouffre, Gilsoul. A M. Van Doren, qui a de la vigueur et d'intéressantes recherches de lumière, et qui expose notamment un Clair matin d'automne très séduisant, on peut reprocher trop de complication parfois et trop peu de souci des lignes et des formes. M. Blieck semble un improvisateur tumultueux, qui ne s'est pas encore appliqué à se dégrossir. Certains de ses tableaux s'alourdissent de bruns déplaisants; mais il faut lui reconnaître un œil de coloriste, que dénotent par exemple : le Coin de faubourg et Heures suggestives. La Nuée atteint une grande impression d'ensemble.