Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/141

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FRAGMENT <,> u'est-ce qui te fait croire que ce pays soit ta patrie? — La tristesse que j'y ressens. Les mélancolies de ma toute jeunesse avaient raison ; elles me montraient le che min par lequel j étais destiné à passer. Mon imagination pressentait mon être. La vie réelle ne m'a repris ces sentimentalités d'adolescence jue pour les affermir et les élever, les transformer en un sentiment d'homme qui m'enveloppe maintenant tout le cœur. C'est par la tristesse que j'ai pris possession de moi : la tristesse me garde. Tu sais quand disparaissent ceux qui marchaient devant nous en nous cachant l'avenir, quelle effrayante impression d'enfant perdu nous ressentons ; quel affolement devant l'espace où notre ligne de direction s'est tout à coup brisée. Tu m'as bien aidé alors de ta bonne humeur, de ton rire, et en jetant devant nous à la volée, d'un geste amusant, de la graine d'espoir. La graine retombait, ça germait, ça pous sait... SansVen douter tu as tracé quelques chemins de fleurs à l'entrée de mon désert. (1) Quelqu'un d'aujourd'hui.