Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/144

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—i36— Les idées noires ne sont qu'un jeu d'ombres et.c'est le soleil bas qui fait lesombres grandes. Il ne fallait pas tenter d'abaisser le bonheur jusqu'à nous. Le bonheur est au bout de la route. ll faut qu'il éclaire intact une route infinie. Nous devons le chasser loin, plus loin toujours, en avant de nous, sous peine de l'éteindre en l'atteignant et de rouler dans ses cendres. Je sens en moi une petite mare de tristesse qu'on ne voit que de tout près, et qui grossit les jours d'orage et m'inonde l'être. Un soleil nouveau aurait beau l'assécher toute, la place en demeurerait aride et noire et aucune fleur n'y repousserait plus. C'est ma place de sensibilité et de perfectibilité : je l'ai reconnue, je prétends l'entretenir, car ceux qui ne sont plus capables de tristesse ne sont plus capables de vie. La tristesse est en accord permanent avec la nature. La tristesse est belle; elle est le suprême état de vie. Je ne veux pas que le bonheur m'entraîne. J'aime mieux ma tristesse; elle me calme et m'éclaire. Le bonheur est mauvais, le bonheur est faux et veux-tu que je te dise... Maintenant, quand un élan de bonheur me saisil, il me semble que je fais mal, et j'ai peur!... Henry Maubkl ÉPILOGUE o FRAGMENTS ... La Princesse en deuil étendue auprès de l'âtre, Entend les voix obscures parler. Elle se hâte Vers l'Etranger et ceux qui, groupés sur le seuil, L'insultaient avec les rires de leur accueil. — a Si nul factice feu ne flambe aux glorioles, Si nul chant d'espoir vain ne leurre mon espoir, Cest un appel étrange et doux parmi le soir, C'est une fièvre étrange à ouir des paroles. Des paroles d'espoir parlent à mon espoir, N'est-ce l'espoir vieilli d'illusoires paroles. N'est-ce pas le frisson mourant aux glorioles D'un revenir rêvé parmi l'aube d'un soir? (i) De : les Vergers illusoires, à paraître en avril prochain, à la librairie de l'Art indépendant.