Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/171

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—i63— Le Sar Peladan envoie aux critiques le Mandement autographe suivant : « Geste esthétique dite : Salons et soirées de la Rose-Cboix Grande Maîtrise \ Au Seigneur \ Grand Prieuré Devant le Graal, le Bauséant, la Rose Crucifère officiellement. Le Salon de la Rose f Croix, dans les galeries Durand-Ruel, ouvriera (sic) ses portes le 1 1 mars. Le 1o, vernissage par invitations nomi natives. Le o, la critique entrera. Le soir du même jour, réception d'hon neur. La première soirée, probablement pour le 15, se compose de : La Messe Marcelle, de Palestrina, chantée à Capelta ; Le Fils des Etoiles, comédie wagnérienne en trois actes, du Sar Peladan ; Un fragment de Clair de lune, opéra de Benedictus. » Qu'est-ce que ça peut bien être, une comédie wagnérienne? m La Société nouvelle, dont les deux der niers numéros sont remarquables, nous a tait connaître le Cas Wagner, de l'Alle mand Friedrich Nietsche. Ce pamphlet ridicule, d'une incohérence frénétique, ne mérite qu'un haussement d'épaules. Quelques semaines après l'avoir écrit, Nietsche envoya à tous ses amis une circulaire débutant ainsi : a Décidément, c'est moi qui ai créé le monde! » Il est aujourd'hui dans une maison de santé. Dans une remarquable conférence donnée au Cercle artistique de Bruxelles, le 4 dé cembre 1891, M. Adolphe Prins prononçait les paroles suivantes : « Nous assistons, en ce moment, à l'éclo- sion d'une littérature nationale. Ce qu'elle a de meilleur ne lui vient-il pas de la race, des traditions, du sol î N'est-ce pas à nos traditions artistiques que nos poètes, nos littérateurs doivent d'être surtout des pein tres, des descriptifs? Je ne voudrais pas citer de noms; mais enfin, pour donner des' preuves, est-ce que l'auteur de la Princesse Maleine ne rappelle pas la grâce mystique des vierges pales, mélancoliques et rési gnées de Van Eyck et de Memling, comme l'auteur des Flamandes et l'auteur des Kermesses rappellent l'exubérance réaliste de Jordaens ou de Teniers, comme nos charmants conteurs wallons, l'auteur de la Closi'ere, celui des Charneux, ou celui des Contes de mon village rappellent la saine et robuste fraîcheur qui semble émaner de la Meuse ou de l'Ardenne? Je n'ai pas l'intention de prolonger ici une étude de ce genre; je désire seulement montrer que nous pouvons puiser en nous- mêmes la source de l'inspiration. Ilyaunproverbearabequidit:«Ce n'est jamais en vain qu'on a erré sous les palmiers ». Eh bien, chez nous aussi, ce n'est jamais en vain qu'on erre aux bords de la Meuse ou de l'Escaut, ce n'est jamais en vain qu'on erre dans nos campagnes. Quand, au printemps, on chemine dans les grasses prairies brabançonnes, par exemple entre Dry Toren, où Teniers avait sa maison de campagne, et Ellewyt. où Rubens résidait souvent ; quand on par court les sentiers qu'ils ont sans doute foulés l'un et l'autre; quand à travers le rideau des peupliers on voit se dresser les fermes séculaires avec leurs toits à pignons et leurs fenêtres à meneaux; quand la neige des vergers' resplendit sur la verdure renaissante, et que dans la lumière intense des grand'routcs , les vieux arbres, les vieilles fermes, et les vieilles gens eux- mêmes semblent redevenir plus jeunes; il semble aussi que l'àme rajeunie du passé surgisse à l'horizon, et avec elle le souvenir des générations d'artistes , de savants , d'écrivains, de penseurs qui ont brillé aux époques illustres de notre histoire On songe alors que dans les milliards d'êtres qui viennent, passent et disparais sent, pour ne plus revenir, comme de flot tants atomes, il en est qui appartiennent à ce petit coin de terre, y ont puisé leur indi