Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/218

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—2IO— NICOLAS. — As-tu déjà vu mourir de vieilles gens ? Peter. — Non. NICOLAS. — Tous ont peur, je le jurerais bien! (Il fait un geste du côté droit.) Là sur la table est déposée une grande lettre cachetée; donne- la moi. PETER (lui tend la lettre). NICOLAS. — Elle est adressée à ta mère. PETER. — A ma mère? NICOLAS. — Il te faut partir pour le Nord, pour Halogaland. J'in forme ta mère d'une grave, d'une importante affaire ; on a des nouvelles de ton père. PETER. — Il combat pour la cause du Seigneur en Terre Sainte. S'il tombe, il tombe sur un sol béni ; car là-bas, il n'est pas un pouce de terre qui ne soit sanctifié. J'implore Dieu pour lui dans toutes mes prières. NICOLAS. — Andres Skjaldarband t'est donc cher ? PETER. — C'est un homme vénérable; mais un autre homme existe encore dans la vénération duquel ma mère m'a élevé. NICOLAS (vivement, anxieux). — Le duc Skule? PETER. — Oui, le duc! Skule Bordson! Ma mère le connut lorsqu'elle était jeune. Vraiment, le duc représente le plus noble personnage de tout le pays! NICOLAS. — Voici, prends cette lettre, et en route vers le Nord. — Ne chantent-ils plus, ceux-là, dans la chapelle? PETER. — Oui, seigneur. NICOLAS. — Quatre forts gaillards, doués de gosiers sonores comme des trompettes ; voilà bien de quoi me procurer une intercession efficace?... PETER. — 0 seigneur, seigneur, à votre place je prierais moi-même! NICOLAS. — J'aurais tant de choses à achever, Peter! La vie est par trop courte; du reste, le roi m'accordera bien son pardon, lorsqu'il arri vera. (Le mal le fait tressaillir.) PETER. — Vous souffrez beaucoup? NICOLAS. — Je ne souffre pas; mais les oreilles me tintent; des éclairs et des flammes passent devant mes yeux. PETER. — Ce sont les cloches célestes qui sonnent votre bienvenue là-haut ; et ces lumières sont les cierges allumés à votre intention par les anges de Dieu. NICOLAS. — Possible. Mais il n'y a rien qui presse ; ceux qui chantent dans la chapelle suffisent pour le quart d'heure, pourvu qu'ils n'inter rompent point leurs prières. Adieu, fais diligence avec cette lettre. PETER. — Ne dois-je pas avant de partir...? NICOLAS. — Non, va seulement; je ne crains point de rester seul. Peter. — Au revoir, alors ; lorsque les cloches célestes me rappelleront à mon tour.