—217— son âme tout à coup se secoue — comme un aigle réveillé. — Il s'ennuie alors au sein des distractions mondaines, — indifférent au bavardage des gens, — et il n'incline pas, non plus, sa tête — aux pieds de l'idole de la masse. — Sauvage et sévère, il s'enfuit, — plein de trouble et de chants, — vers les bords des ondes solitaires — ou vers des forêts aux murmures grandioses. POÉSIES DE LERMONTOFF Le Prophète. Dès le moment où le Juge éternel — me donna l'omniscience du Pro phète, — je lus dans les yeux des hommes — des pages de vice et de méchanceté. Je me mis à proclamer et de l'amour — et de la vérité les purs enseigne ments : — Mais tous ceux qui m'étaient proches — jetèrent des pierres sur moi avec rage. Semant alors des cendres sur ma tête, — mendiant, je fuyai les villes, — et voici que je vis dans le désert, — comme des oiseaux, du don de la pitance divine. Observant le commandement de l'Eternel, — toute créature terrestre m'est soumise, — Et les étoiles même m'écoutent — Et leurs rayons scintillent avec allégresse. Mais lorsqu'il m'arrive que d'un pas furtif ' — je traverse une cité bruyante, — les vieillards là-bas disent aux enfants — avec des sourires infatués : u Regardez, voici un exemple pour vous ! — cet homme étant fier, il n'a pu s'entendre avec personne, — ce sot voulut nous faire accroire — que Dieu parlait par sa bouche. « Regardez, enfants, regardez-le, — Comme il est sombre, pâle et maigre, — Regardez donc comme il est pauvre et nu, — et comme tout le monde le méprise. » L'Ange. Sur le ciel de minuit volait un ange — et il chantait une calme mélodie, — et la lune, les astres et les nuages en foule — écoutaient ce chant divin. — Il chantait la béatitude des esprits impeccables — sous les buissons du jardin de l'Eden. — Il chantait le Dieu grand, et sa louange — était bien sincère. — Il portait dans ses bras une jeune âme — pour le monde de douleur et de larmes, — et les sons de son chant dans cette âme enfantine
