Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/239

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-23r— Mon cœur sous des dos de reptiles tressés, Mon cœur tuméfié comme un corps Noyé, mon cœur enjeu du monde est gardé Par le monstre ainsi qu'un grand trésor. Les heures tombent sur mon cœur, Le venin coule goutte à goutte Et tout saignant mon cœur écoute Goutte à goutte tomber les heures. Il se souvient du temps très lointain Des roses aurores et des flots chanteurs Et des rives bordées de fleurs Et de soleil il se souvient. Il se souvient des filles aux voix dor Aux longs ondulements dans l'onde amoureuse Qui frôlait de caresses langoureuses Les beaux corps veloutés d'un duvet d'or. Il se souvient des frêles châtelaines, Parmi les nénuphars mirant leurs grands yeux purs Dans le cristal fleuri des fontaines, Etoiles oubliées par la Nuit dans l'a\ur. Oh! vers quel pays de lumière ivre Mon cœur cinglerait, vieux navire sans mât; Vers quel là-bas, mon cœur, vers quel là-bas Se traîner et quelle demeure où vivre! Mais les heures tombent sur mon cœur. Le venin coule goutte à goutte, Et pantelant et bourdonnant mon cœur écoute Goutte à goutte, perverses, tomber sur lui les heures. Quel saint Michel cuirassé de fer Viendra, rayonnant de lumière, Quel Siegfried vierge et fol, ignorant de la peur, Tuera le dragon crachant du soufre et des vipères, Qui veille dans son antre, accroupi sur mon cœur. Maurice Desombiaux