Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/252

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—244— Un redoutable aimant attire à l'existence . Tous les êtres, les leurre et les garde captifs. L'enfant sacré connaît les mirages lascifs Qui font désirer vivre et cachent la souffrance. O bûcher dont nos chairs sont les vivants charbons, Terre, où le plaisir ment, où les douleurs sont vraies, Tu n'es qu'un hôpital de cancers et de plaies Où sans cesse les morts font place aux moribonds! La mort refait la' vie et nous sommes la proie De l'éternel retour pour l'éternel départ. Un suaire sanglant, voilà notre étendard! Des cercueils pleins de vers, voilà nos lits de joie! Mais il vient, le Sauveur qui doit vaincre le Sort! Du mal de l'existence il délivre les âmes. O divin Guérisseur, verse-nous les dictames De tes blancs daturas vierges comme la mort! Marche vers l'amoureux qu'enlacent les chairs folles, Vers l'avare accroupi sur son vil monceau d'or. Vers la femme qui pleure et vers l'enfant qui dort, Vers le poète plein d'inutiles paroles, Va ' vers l'homme sans cœur, va vers l'homme sans foi, Viens vers nous et souris de ton sourire tendre, Dis-nous que tout nous trompe, hélas! et fais entendre La Loi sainte, dis-nous à tous : « Voici la Loi! « Sache tuer en toi la volonté de vivre; « Aime sans désirer; supporte sans souffrir; « Libre de tout espoir, toujours prêt à mourir, « Va, consolé console et délivré délivre ! » Nous {écoutons ! Nous te croyons ! nous te suivons ! Nes-tu pas la lumière éternelle du monde? Ah! parle! Sauve-nous! Et laisse dans l'immonde Cloaque où, malgré nous, encore nous vivons,